« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 21 novembre 2014

Machine à voyager dans le temps

J'ai inventé la machine à voyager dans le temps. Si, si ! En fait, j'en ai même inventé plusieurs.

Alors non, je n'ai pas passé mes nuits dans mon garage à bidouiller des machins et des bidules électroniques. Non, je suis beaucoup plus subtile que ça ! Mes machines à remonter le temps à moi sont adeptes du camouflage et prennent l'apparence d'objets du quotidien.

La plus efficace se glisse dans un simple carré de chocolat blanc. Du Galak, pour ne pas le nommer. En croquant ce carré de chocolat blanc, je me retrouve immédiatement propulsée dans le temps. Le temps de mon enfance. C'est très efficace et rapide. Ça commence par un frisson. Je ferme les yeux. Et puis soudain, l'enfance est là. Sur le bout de la langue. Plus rien n'existe autour de moi. Je suis ailleurs. Ailleurs dans le temps. Une véritable machine à voyager dans le temps.

Bon celui-là, j'en abuse pas. Parce que, quand même, il ne faut pas oublier que le chocolat blanc c'est juste du beurre, du sucre et du lait. Même pas de fève de cacao dedans. Quand on y réfléchit... beurk !

Je possède aussi une autre machine à voyager dans le temps. En fait, non, ce n'est pas exacte : je ne la "possède" pas. Mais d'autres la possèdent à ma place et, de temps en temps, en passant à proximité, je voyage. On la nomme thuya. Une haie de thuya, surtout au printemps, me propulse automatiquement en Anjou, dans la maison de mes grands-parents. 

Thuya, PhotoPin

Cette maison s'appelait l'Aubancière et était située à Saint Melaine sur Aubance, près d'Angers.

Pourquoi ce voyage ? J'ai le souvenir d'une partie de cache-cache où je me suis enfouie profondément dans la haie de thuya de la propriété. Est-ce la réalité ? Je ne sais même pas, car je ne peux pas véritablement la situer dans le temps. Les chemins de la mémoire sont parfois trompeurs et perfides. Je sais que je ne suis pas allée là-bas très souvent. Mais rien à faire, l'odeur des thuyas est si puissante et efficace. 

C'est bizarre quand même : élevée dans la campagne creusoise, la haie de thuya, bien propre, bien taillée, est pour moi une totale incongruité. Un truc qui ne devrait même pas exister. Et pourtant, quand je marche le long d'une haie (moche) de thuya, son pouvoir est si puissant que pas une fois je ne reste sur place et je me reporte systématiquement à l'Aubancière. 

Et dire que je n'ai même pas une photo de cette maison. De toute évidence, le pouvoir olfactif des thuyas est plus fort encore qu'une photo.

Bon, d'accord, les esprits chagrins diront que les machines à voyager dans le temps que j'ai inventées, Proust en a inventé une tout aussi efficace, et bien avant moi. Madeleine qu'il l'a appelée. Et qu'en plus, mes machines ne vont pas plus loin que l'enfance. Tant qu'à faire de voyager on pourrait aller visiter le temps des rois, aller directement au 5 novembre 1955 (pour les amateurs de cinéma), ou juste dans une très vieille ferme en Vendée pleines d'ancêtres. Mais bon, nul n'est parfait, hein ?

Et vous, avez-vous aussi des machines à voyager dans le temps personnelles ?


1 commentaire:

  1. Les odeurs marqueurs du passé !
    Pour moi,les vacances à la ferme et la toilette du matin au coin de la cheminée.
    L'odeur de fumée de la serviette "nid d'abeilles",dont ma tante se servait,et qui devait sécher au coin de l'âtre ...
    Mag.

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