« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

dimanche 31 janvier 2016

#Centenaire 1418 pas à pas : janvier 1916

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de janvier 1916 sont réunis ici. 

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
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1er janvier
Dans la région du Kiosque l’ennemi exécute plusieurs tirs de mitrailleuses sur nos tranchées et lance des grenades à fusil dans la nuit du 31 au 1er.
Perte : néant.
Ordres de bataillon n°1 et 2 : citation.
Ordre de général n°50 : « Soldats de la République !
Au moment où se termine cette année de guerre, vous pouvez tous considérer votre œuvre avec fierté et mesurer la grandeur de l’effort accompli.
En Artois, en Champagne et dans les Vosges, vous avez infligé à l’ennemi des échecs retentissants et des pertes sanglantes, incomparablement plus élevées que les nôtres.
L’armée allemande tient encore, mais elle voit diminuer chaque jour ses effectifs et ses ressources. […]
Au contraire, les alliés se renforcent sans cesse. […]
Soyons fiers de notre force et de notre droit ! Ne songeons au passé que pour y puiser des raisons de confiance ! Ne pensons à nos morts que pour jurer de les venger.
Pendant que nos ennemis parlent de paix, ne pensons qu’à la guerre et à la victoire !
Au début d’une année qui sera, grâce à vous, glorieuse pour la France, votre Commandant en Chef vous adresse, du fond du cœur, ses vœux les plus affectueux.
Signé : J. Joffre »
Joseph Joffre © Wikipedia

2 janvier
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.

3 janvier
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.
Le ravitaillement a réussi à se frayer un chemin à travers la neige.
Ravitaillement à travers la neige, 1915 © Gallica

4 janvier
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.

5 janvier
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.

6 janvier
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : 1 sergent blessé.
Ordres de bataillon n°3 et 4 : citations.

7 janvier
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.
Ordre de bataillon n°5 : nominations.

8 janvier
Journée et nuit calmes.
Brouillard et neige.
L’ennemi lance quelques bombes sans effet sur nos tranchées de la côte 664.
Perte : 1 chasseur blessé par balle.
Ordre de général n°320 : le Général Hollet, commandant la 66e division, a la douleur de porter à la connaissance de votre division le deuil qui la frappe : le Général Serret, blessé le 20 décembre à l’Hartmannswillerkopf, a succombé ce matin aux suites de ses blessures.
General Serret © D.Boussat via pages14-18.jpg

9 janvier
De 10h30 à 11h l’ennemi bombarde nos tranchées de 664 et du mamelon intermédiaire.
De 12h à 15h l’artillerie de la 47e Division soutenue par celle de notre secteur, exécute sur le Bois Noir un tir de démolition d’une extrême violence.
A 14h30 l’observatoire du kiosque signale une quinzaine de boches fuyant du Bois Noir sur Mühlbach.
Le tir sur ce village provoque plusieurs incendies.
Pertes : 3 chasseurs tués, 7 chasseurs blessés.
Ordre de bataillon n°6 : citations.

10 janvier
De 15h15 à 15h45 l’ennemi bombarde nos tranchées du mamelon intermédiaire par des lances bombes et nos tranchées de 664 par des obus de 105.
Pertes : 2 chasseurs blessés.

11 janvier
Journée et nuit assez calmes.
A 6h30 l’ennemi lance quelques bombes sur le mamelon intermédiaire et à 12h  une dizaine d’obus sur 664 ; de même à 17h.
Perte : néant.

12 janvier
L’ennemi bombarde assez violemment nos tranchées de 664, du mamelon intermédiaire et des abords du camp Girard où se trouve une Compagnie de réserve.
Ce bombardement ne produit que quelques dégâts matériels.
Pertes : néant.
Ordre de bataillon n°7 : nominations.

13 janvier
Journée et nuit très calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.

14 janvier
Journée et nuit calmes.
Tourmente de neige.
Perte : 1 chasseur blessé.
Ordres de bataillon n°8 et 9 : nominations.

15 janvier
Journée et nuit assez calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.

16 janvier
Journée et nuit assez calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : 1 chasseur blessé.

17 janvier
De 12h30 à 14h l’ennemi bombarde Metzeral dans la région de l’église par obus de 105 sans produire de dégât.
Dans la matinée plusieurs avions boches survolent la région.
Perte : néant.


18 janvier
L’ennemi bombarde nos ouvrages de la première ligne à 20h et 20h40.
Nuit calme.
Pertes : 1 caporal et 2 chasseurs blessés.

19 janvier
L’ennemi bombarde par obus de 105 la carrière de 664 sans produire de dégât.
Lutte de grenades à fusil au Kiosque et à 664.
Pertes : 1 chasseur blessé par grenade à fusil.

20 janvier
Journée et nuit calmes.
Bombardement intense.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.

21 janvier
De 10h à 12h l’ennemi bombarde assez violemment nos tranchées de 664 par obus de 77 et 105.
Notre artillerie riposte sur nos positions ennemies situées en face des nôtres.
Pertes : 1 chasseur tué par balle, 1 chasseur blessé.

22 janvier
De 10h à 10h50 l’ennemi bombarde violemment nos tranchées de 664 et les boyaux y accédant.
Une sape s’effondre : 1 caporal et 1 chasseur contusionnés.
De 12h à 12h50 il bombarde la ligne de soutien et dans la journée la carrière. Les dégâts ne sont que matériels.
Pertes : 1 caporal et 1 chasseur tués, 1 chasseur blessé par éclat d’obus.

23 janvier
Je tombe sur un exemplaire du Petit Journal Illustré.
J’espère que cette couverture du Journal ne sera pas prémonitoire pour moi !
Dans la journée l’ennemi envoie quelques obus sur notre ligne de soutien, la carrière et le camp Girard.
Dans la nuit ils envoient quelques obus de 105 à diverses reprises sur nos travailleurs à 664. Ils n’occasionnent aucun dégât.
Pertes : 3 chasseurs blessés par éclats d’obus.

Petit Journal Illistré, 23 janvier 1916 © Gallica

24 janvier
Matinée calme.
A 15h bombardement de nos cantonnements au camp Renaud à Mittlach.
Nuit calme.
Perte : néant.
Ordre de bataillon n°9 : nominations à la réserve.

25 janvier
Matinée calme.
Lutte d’artillerie très active dans l’après-midi.
De 14h45 à 15h60 l’ennemi envoie une soixantaine d’obus de 105 dans la région Metzeral-Mittlach, château de Metzeral…
Pas de dégât.
Pertes : 2 chasseurs blessés par grenade.
Ordre de bataillon n°10 : décoration.

26 janvier
De 9h à 10h l’ennemi bombarde violemment nos tranchées du mamelon intermédiaire et cause de nombreux dégâts matériels.
Riposte de notre artillerie sur l’Ilienkopf et le petit Braunkopf.
On signale des cyclistes circulant sur la route de Mühlbach-Munster.

27 janvier
Journée et nuit calmes.
A 20h20 un de nos dirigeables franchi nos lignes se dirigeant vers l’ennemi. Il les repasse à 22h20.
Perte : néant.
Ordre de bataillon n°11 : nominations.

28 janvier
L’ennemi envoie dans la journée une trentaine d’obus de 105 sur les tranchées du mamelon intermédiaire.
Au milieu du vacarme, soudain une douleur vive. La tête me tourne. Je n’entends plus rien.
Très vite c’est le noir total.
Je ne me vois même pas tomber au sol.
Extrait JMO 23ème BCA, 28 janvier 1916 © Gallica

30 janvier
J’essaie d’ouvrir un œil. Tout est blanc.

Petit à petit le halo blanc laisse place à des formes de plus en plus précises.

Je suis vivant. A l’hôpital, mais vivant !
Infirmières au front, detail © ONF.CA
J’ai reçu un éclat de bombe. « Plaie pénétrante dans la région claviculaire gauche » a dit le docteur lors de sa visite.

31  janvier
J’essaye d’en savoir plus car je n’ai que peu de souvenir des jours passés.
Une infirmière m’apprend que j’ai été transporté par l’ambulance alpine n°2/64.
Extrait du registre des carnets de passage et des entrées de l'ambulance alpine 2/64 © SAMHA

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