« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

mercredi 28 février 2018

#Centenaire1418 pas à pas : février 1918

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de février 1918 sont réunis ici.

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
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1er février
On nous donne lecture de la citation du 51e Bataillon à l’Ordre de l’Armée : «  Ordre de la Xe Armée n°325. Le Général commandant la Xe Armée cite à l’ordre de l’armée le 51e bataillon de chasseurs : après être venus s’installer en face de l’ennemi sur une position difficile qu’il a dû organiser sous un bombardement violent et continu, s’est élancé brillamment à l’attaque sous les ordres du Commandant de Fabry Fabrègues, le 30 décembre 1917. A enlevé tous ses objectifs, faisant 550 prisonniers, prenant 2 canons, 4 mortiers, 16 mitrailleuses et un matériel important. » QG, le 18 janvier 1918, le Général commandant la Xe Armée, signé Maistre.

Citation ordre Xème armée

2 février
Reconnaissance des positions italiennes dans la région Est de l’Asiago.

3 février
Repos.

4 février
On repart !

5 février
Préparatifs de départ.

6 février
Le mouvement est retardé.

7 février
Une somme de 100 francs et une lettre de félicitation du Général commandant l’artillerie a été attribuée à la compagnie de mitrailleuses qui a abattu dans la nuit du 26 au 27 janvier dernier un avion ennemi.

8 février
On fait mouvement sur Thiene. Nouveau cantonnement du bataillon. Départ de Cartigliano à 7h. Itinéraire : pont de bateaux de Nove, S. Romano, Schiavon, Fosse, Mason Vicentino, Breganze, Thiene. Arrivée à 15h.
Carte Cartigliano-Thiene

9 février
Installation dans les cantonnements.

10 février
Repos.

11 février
Exercices. Marche par compagnie.

12 février
Ordre de bataillon n°186. Le sous-lieutenant Gautherot est affecté à notre compagnie.

13 février 
Exercices divers. Évolutions de compagnie et de bataillon.
J’ai froid. Je commence à tousser.

14 février 
La fatigue s’est accumulée, sans que je m’en aperçoive.
Je tousse de plus en plus. Cela me fatigue beaucoup.

15 février 
Exercices de cadres sur le fonctionnement des liaisons.
Ma respiration se fait sifflante. Marius Bosc, un camarade originaire de Saint-Etienne, qui a été infirmier, dit qu’elle ressemble à une tombée d’obus ! Il essaye de me soulager comme il peut…

16 février 
Revue du 4ème groupe par le Lieutenant Colonel Quinat. Remise de décorations.

17 février 
Repos. Je suis épuisé.

18 février 
Marche militaire. Je crache mes poumons tous les 10 mètres.

19 février 
Le froid n’arrange pas les choses. Je ne vais toujours pas mieux.

20 février 
La fièvre ne me lâche plus. J’ai si chaud qu’on se croirait en plein été !
La tête me tourne.

21 février 
Reconnaissance de cadres dans la région de Mare (secteur de Lusiana).

22 février 
Chaque quinte de toux me laboure comme une salve de 75 sur le no man’s land.
Je tiens à peine debout.

23 février
Je respire de plus en plus difficilement.

24 février
Le lieutenant de notre Compagnie, Martin, est nommé à titre définitif. Le bataillon fera mouvement demain, le 4e groupe allant occuper les cantonnements du 5e groupe. Préparatifs de départ.

25 février
Le bataillon quittera Thiene demain pour se rendre à Preara à la place du 14e Bataillon.

26 février
Mouvement de Thiene à Preara.
Heureusement l’étape du jour est courte. Je n’en peux déjà plus.
Carte Thiene-Preara

27 février
Installation dans les cantonnements. Très affaibli, je vais voir le toubib : « C’est terminé pour vous Borrat-Michaud ! A force de tousser comme ça vous allez nous faire repérer par nos ennemis ! On vous envoie vous soigner à l’arrière. Allez, oust ! ».
J’apprends en même en temps mon changement d’affectation à la 10ème Cie, mais ce n’est pas tout de suite que je verrai mes nouveaux camarades : je suis évacué du front et envoyé à l’hôpital.

28 février
Je suis évacué dans un hôpital de fortune en arrière-ligne. Un médecin m’examine rapidement et lâche un rapide : « Infiammazione e gonfiore dei dotti polmonari ». Je ne suis pas sûr de comprendre : je me tourne vers mon voisin de lit. « Bronchite » me répond-il. « Quelle chance tu as : tu vas voir de belles infirmières italiennes ! »


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