« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

Affichage des articles dont le libellé est Recherche. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Recherche. Afficher tous les articles

mercredi 7 février 2024

#Généathème : mémo archives

Tu n’es jamais allé faire des recherches généalogiques aux archives car elles t’intimident un peu ? Pas de panique ! Voici un court mémo pour t’expliquer comment on fait et te donner envie d’y aller (si ce n’était pas le cas). Selon les départements (ou municipalités) il peut y avoir quelques variantes à la marge, mais dans les grandes lignes le fonctionnement est identique partout. 

 

Vue partielle de la salle de lecture des archives départementales de la Creuse
au premier plan, les inventaires © coll. personnelle


D’abord l’inscription : c’est gratuit, il suffit d’une pièce d’identité. C’est le/la président(e) de salle (celui/celle qui est derrière le comptoir) qui l'enregistre. Tous les ans il faudra la renouveler, tout aussi simplement.

Tu t’installe à une table (ou bien c’est le président qui te désigne une place, selon l'usage local). Chaque place a un numéro : il te servira pour obtenir les documents.

Ensuite tu déposes une demande de cote (soit par papier soit sur un terminal informatique, ça dépend des départements) : tu indiques ton numéro de carte, celui de la place et la cote. Une cote = un document. Un document ça peut être un registre, une liasse de notaire, un plan, etc…. Chaque document est classé selon une série (exemple : la série E regroupe les actes concernant les familles, les notaires, l'état civil), éventuellement un numéro de sous série qui le précède (exemple 3 E pour les archives notariales) et un numéro d'article qui l’identifie (exemple 407, qui désigne un notaire et une date particulière). Le tout forme la cote (exemple : 3 E 407). Cette façon de classer les documents est appelé le cadre de classement.

En général, les archives fonctionnent par levée : la levée c’est quand le magasinier récupère toutes les demandes. Ensuite il va dans le magasin, cherche le carton ou le registre qui correspond. Puis il redescend en salle de lecture et là tu peux avoir accès à ton document. La levée peut avoir lieu toute les demi-heures ou 45 min ou… là aussi ça dépend des départements.

Donc, après la levée il faut attendre un peu que le magasinier ait tout récupéré et soit redescendu. Ensuite, soit tu viens chercher ton document, soit on l’apporte à la place ; là aussi ça dépend des dépôts d’archives.

Tu peux enfin consulter ton document.

Dans la plupart des archives, tu peux demander plusieurs cotes à chaque levée (ex : maximum 5 documents par levée) mais on ne te laisse regarder les documents sur ta table que un par un.

 

Cas n°1 : tu ne connais pas tes cotes à l’avance

Quand tu arrives en salle, il te faut regarder les inventaires. Ce sont de gros classeurs (ou un ordinateur) qui contiennent toutes les cotes (c'est-à-dire tous les documents conservés aux archives). En général on les repère assez facilement parce que l’ensemble prend du volume ; sinon le président de salle t’indiquera leur emplacement. Disons que tu cherches une liste de tirage au sort militaire : c’est la sous série 1R. Il y a plusieurs bureaux (par exemple un par canton). Tu identifie le canton qui t’intéresse et la date (dans ce cas : année de naissance de l’ancêtre + 20). Cela te donne les chiffres de fin de la cote : par exemple 128. La cote complète est donc 1R128. Il ne te reste plus qu’à reporter le numéro de la cote sur ta demande de document.

 

Cas n°2 : tu connais tes cotes avant de venir

Tu as fait un repérage sur le site internet des archives et tu as trouvé les inventaires (nommés "inventaires" mais peut-être aussi "états des fonds" ou "répertoires"). Ils sont organisés de la même façon qu’en salle, donc tu as identifié la série et la date qui t’intéresse. Tu as fait une liste des cotes que tu souhaites chercher. En arrivant aux archives, il te suffit de les indiquer sur tes demandes.

 

Cas n°3 : tu sais ce que tu cherches

Tu as trouvé ta cote (avant de venir ou sur place). Une fois que tu as récupéré ton document tu peux photographier la page qui t’intéresse (ou noter les infos sur un papier, chacun sa méthode) et passer au suivant. Ça va assez vite, finalement.

 

Cas n°4 : tu pars à l’aveugle

Par exemple, tu as beaucoup d’ancêtres dans un village. Il y a donc un maximum de chance pour que tu les trouve chez le notaire du coin (nos ancêtres passaient leur vie dans les études notariales, pour toutes sortes de raisons). Donc, tu repères la cote du notaire selon son lieu de domicile, la fourchette d’années où tes ancêtres ont vécu. Tu vas recevoir une liasse de notaire. Une liasse, c’est un tas d’actes (en général non reliés). Selon le mode de classement, la liasse peut contenir plusieurs années d’actes notariés ou juste quelques mois, ça dépend du volume : s’il y a peu d’actes, la liasse peut faire plusieurs années, et inversement. Disons que tu reçois l'année 1747 : tu peux alors passer en revue tous les actes voir si le nom de tes ancêtres apparaît (la plupart du temps le notaire a noté le nom des protagonistes et le type d’acte dans la marge, ça permet de les identifier plus aisément). La rechercher est plus longue que dans le cas précédent, mais cela laisse la place à la surprise. On y ait souvent de belles découvertes (inattendues, forcément).

 

En bref, c’est pas si compliqué que ça les archives, c’est juste une question d’habitude et si tu es perdu(e), le/la président(e) de salle est là pour d’aiguiller.

Si tu as l’occasion, je te conseille vraiment d’y aller. On y fait des découvertes très intéressantes et originales (puisque ces documents ne sont pas en ligne).

 

Mais qu’est-ce qu’on peut y trouver, aux archives ? Je dirais tout ce qui n’est pas en ligne ! Pour ma part, j’ai été chercher les fiches militaires de mes ancêtres avant les années 1860 (assez peu publiées en ligne pour cette période). C’est ainsi que j’ai découvert par hasard l’insoumission de Louis.

Je suis une grande adepte des actes notariés qui détaillent les vies de nos aïeux, leurs possessions (voir ici par exemple) ou la vie de leur paroisse (comme l’achat d’un droit de banc dans l’église) ; mais aussi les successions ou le cadastre pour retracer les possessions ancestrales.

En effet, le cadastre est un document réalisé à la base pour payer les impôts. Il est composé de deux éléments : les plans (qui peuvent être en ligne) et les états des sections (qui le sont moins souvent). Les plans c’est joli, mais ça ne te dit pas qui est propriétaire de quelle parcelle. C’est l’état des sections qui détaille le propriétaire, la nature de la parcelle (bois, pré, maison) et, pour les bâtiments, s’il y a plusieurs portes/fenêtres (car les impôts se payaient sur les ouvertures). Si tu veux savoir quelles terres/maisons avaient tes ancêtres, tu dois passer obligatoirement par les états des sections (qui sont, à mon avis, presque plus importants que les plans). Or bien souvent ils ne sont pas en ligne. Avec les plans seuls tu ne peux rien faire. Voir ici quelques exemples d’usage du cadastre en généalogie.

 

Pour finir, je n’ai qu’un seul conseil à te donner : va aux archives et fais-toi plaisir !

 

mardi 2 avril 2019

Retrouver un Parisien perdu

Pour ceux qui ont suivi j’ai, dans deux épisodes précédents, parlé d’une pionnière de ma généalogie, Marie-Louise Cognacq-Jay, puis de la lettre calomnieuse envoyée à son encontre.

Dans ce dernier article, je m’interrogeais sur l’auteur de la lettre. Je n’avais que deux indices pour l’identifier :
- Sa signature : je pensais à un « A. Camus », mais je n’étais pas tout à fait sûre de la déchiffrer correctement.

Signature de la "lettre calomnieuse", 1906 © Base Léonore

- Son adresse en 1906 (date de la lettre) : 21 rue de la Monnaie à Paris [1er arrondissement, NDLR] « depuis 25 ans » précisait-il.

Par acquis de conscience, je me suis dit allons vérifier sur les recensements si je le trouve bien là. N’ayant pas d’ancêtres à Paris, j’ignorais l’état des collections utiles aux généalogistes. Mais là, surprise : pas de recensement à Paris avant 1926 ! C’est, en général, la date à laquelle ils s’arrêtent dans les départements de Province où j’ai mes habitudes.
Je décidais donc de laisser l’histoire là et je faisais taire ma petite voix qui me disait « Est-il marié et père ? Jusqu’à quand a-t-il vécu ? ». Bon, peut-être que j’étais de parti pris, mais après tout, le bonhomme ne m’était pas très sympathique vu la lettre qu’il avait écrite insultant ma lointaine ancêtre. Et d’autre part, retrouver un Camus à Paris vers 1900, me semblait impossible avec aussi peu d’élément. Je publiais donc mon article en l’état, laissant ces questions, somme toute un peu en marge du sujet, en suspens.

Et voilà que dès le lendemain je reçois un message : « contactez-moi j’ai retrouvé votre Camus » ! Intriguée, comme tout bon détective, je prends contact avec ma source anonyme. Avec son accord je vous livre son identité (merci Delphine !) et sa méthode très efficace pour retrouver une aiguille dans une botte de foin. Le tout tient en quatre étapes. Suivons donc Delphine :

1) Je me suis dit qu'il avait peut-être eu des enfants dans le 1er arrondissement.
J'ai ouvert le site des archives de Paris, cherché le nom de CAMUS dans les tables de naissances vers 1881 dans le 1er arrondissement : j’en ai trouvé 4 entre 1883 et 1891.
Sur les 4, une seule correspond !
Adrien CAMUS, 30 ans, boulanger et Clémence Juliette Victorine CHOISEL, boulangère, habitant le 21 rue de la Monnaie ont eu un fils : Maurice Germain Clément le 31 juillet 1883.

Et hop ! Le sieur Camus est logé, et son prénom dévoilé : Adrien. Aussi simple que ça. On aurait pu s’arrêté là mais Delphine, de son propre aveu, est un peu droguée à la généalogie. Alors elle continue. Elle cherche si le couple a eu d’autres enfants, mais fait chou blanc. Idem pour le mariage. Cependant Delphine n’est pas du genre à se décourager pour si peu : étape n°2 !

2) J'ai poursuivi avec l'acte de mariage de leur fils : Maurice s'est marié dans le 2ème arrondissement le 7 août 1913. A cette date, il est lieutenant au 11 RI colonial. Son père Adrien est domicilié à Créteil, 8 rue de Plaisance, et sa mère est décédée.
Donc Adrien est encore en vie en 1913 et habite Créteil.

Petite vérification pour la forme : étape n°3.

3) Clémence, la femme d'Adrien, est décédée 3 ans plus tôt le 9 janvier 1910. A cette date, le couple habite encore dans le 1er arrondissement, rue de la Monnaie. Elle est boulangère et dite née à la Chapelle en 1857. Adrien est toujours boulanger.

Reste le mariage d’Adrien et de Clémence : dernière étape.

4) round : j'ai pu retrouver l'acte de mariage d'Adrien et Clémence, dans le 18ème arrondissement (la Chapelle en fait partie depuis 1860) le 26 avril 1879. Adrien est boulanger, 26 ans, né à St Marcel dans l'Indre le 15 octobre 1852 et habite 145 rue St Dominique dans le 7ème. Ses parents sont domiciliés à St Marcel.
Adrien a pour témoin ses deux frères, boulangers également.

La signature d'Adrien est identique à la signature de la lettre calomnieuse !

Ne me demandez pas comment Delphine est arrivée dans le 18ème, c’est son jardin secret. Du coup, je me suis demandé s’il y avait eu des enfants nés dans le 18ème : en effet, des faux jumeaux sont nés en février 1880 : un fils et une fille qui n’ont pas vécu (décédés 2 jours après leur naissance) ; puis un fils en juin 1881, marié à Paris 10e le 29 octobre 1908 (à cette date il est alors représentant et n’habite plus chez ses parents), décédé à Château Gonthier en 1943. C’est dans les 6 mois (ou environ) après cette naissance que le couple s’installe rue de la Monnaie.

Arrondissements et quartiers de Paris

Mais toujours est-il que voilà une grande partie de la vie de mon bonhomme est découverte. Cependant, tout cela ne nous dis pas pourquoi il a écrit la lettre, comme le remarque Delphine :
« Et voilà ! on en sait un peu plus sur l'homme, même si l'on ne saura jamais sans doute ce qui a attisé sa jalousie (?) ou motivé sa lettre calomnieuse envers Mme Cognacq-Jay.
J'avais pensé que peut-être sa femme avait pu éventuellement avoir été employée par les Cognacq-Jay et que cela ce soit mal passé, mais apparemment, ce n'est pas le cas. Comme vous le dites bien, il était boulanger, pourquoi la Samaritaine lui aurait-elle fait de l'ombre ? Mystère ! »

Donc, si vous avez des ancêtres disparus à Paris, en 4 étapes vous pouvez les retrouver très rapidement.
« C'est tout simple » 
(surtout si vous avez une Delphine sous la main).

Quand à moi, comme je suis aussi droguée à la généalogie, j’ai été fouiller sur les pistes ouvertes par Delphine : effectivement on ne trouve pas d’autres enfants au couple. Les parents ont toujours vécu dans l’Indre, ils se son marié en 1935 à Argenton sur Creuse et ont eu une nombreuse nichée. Le père était voiturier.

J’ai suivi la piste d’Adrien à Créteil : on sait qu’il demeure encore à Paris en 1910 (décès de son épouse) et a déménagé avant 1913 (mariage de son fils). J’ai commencé par les recensements puisque, grâce à Delphine, j’avais son adresse : en 1911 il est lacunaire (moins de 30 pages au lieu des 300 habituelles) : je ne l’ai pas trouvé. Le précédent date de 1896 : beaucoup trop tôt. Mais il apparaît bien à l’adresse indiquée en 1921, 1926, 1931 et 1936. Il n’y a pas de recensement en ligne postérieur : je perds sa trace. Je me tourne vers l’état civil : il n’y a pas d’acte d’état civil en ligne postérieur à 1915, mais des tables décennales qui vont jusqu’en 1942. Il n’y figure pas : soit il est décédé plus tard, soit il est décédé entre 1936 et 1942, mais pas à Créteil. Il faut se rappeler qu’en 1936 il a 84 ans.

En parallèle, Twitter s’emballe et on me suggère d’aller feuilleter le bottin pour retrouver mon boulanger. Ce que je fais à tout hasard : on le retrouve bien en 1907 par exemple (lacune en 1906). Trois Camus figurent comme boulangers à des adresses différentes, aucun n’a de prénom mais le « mien » est dit « jeune ». Est-ce parce que les deux autres sont ses frères aînés ? En effet, rappelez-vous que dans l’acte de mariage d’Adrien figurent deux de ses frères, tous les deux boulangers ; après vérification leurs adresses correspondent bien à celles des deux autres boulangers du bottin. D’ailleurs Adrien habite chez l’un d’eux lors de son mariage : il est probablement monté à la capitale à la suite de ses frères.

Annuaire-almanach du commerce de l'industrie, 1907 © Gallica

Dans sa lettre, Adrien disait qu’il était boulanger rue de la Monnaie depuis 25 ans : j’ai donc cherché à partir de quelle date il s’était vraiment installé dans le quartier. Il ne figure pas dans le bottin de 1881, mais on le retrouve bien à cette adresse en 1882.

En relisant les actes que j’avais glanés, je me suis aperçue que lors du décès de son épouse et du mariage de son fils, parmi les témoins ou déclarants les actes il y avait… des chevaliers de la Légion d’honneur !

Est-ce parce que finalement lui ne l’a jamais eue, cette médaille, qu’il a écrit la lettre ? ou simplement parce, fréquentant leurs porteurs, il avait des idées bien arrêtées sur la question (par exemple, qu’une femme n’était pas digne d’en être honorée ?). Ironie de l'histoire, son second fils l'a eue, lui ! (dommage que son dossier ne soit pas communicable).

Quand à se plaindre de la ruine du quartier, comme il l’a fait dans la fameuse lettre, vous savez comment on qualifie notre pauvre boulanger les 23 dernières années de sa vie ? « Propriétaire et rentier ». Donc, je pense que la ruine dont il se plaignait en 1906 n’a pas trop dû l’affecter…

Merci encore à Delphine, que vous pouvez retrouver sur son blog : genealancetre.canalblog.com


samedi 5 mai 2018

Comment trouver des parents...

... quand il n'y a plus de registre et qu'on porte un nom fort commun.
Au début il y a la mère.


Elle se nomme Charrier, patronyme ayant de nombreux homonymes dans ce coin des Deux-Sèvres vendéennes. Et elle porte un prénom, disons... assez connu : Marie !
Je ne connais pas ses parents : registres perdus, pas d'acte de mariage, déménagements à répétition (un coup en Vendée, un coup dans les Deux-Sèvres), acte de décès non filiatif. Mais sont époux est connu grâce aux générations suivantes. Notamment par le mariage de sa fille, mon ancêtre directe.


Longtemps je me suis arrêtée là, faute de sources disponibles.
Et puis à la fin de l'année dernière, j'ai reçu son contrat de mariage (ça, c'est signé @RayDeborde, encore une fois, ;-) qui a encore été travailler pour moi - merci à lui... encore).
Lecture en travers : je vois cité René, le frère de la mère - encore un prénom original : on cumule dans la famille.


J'ai bien essayé de chercher René Charrier (dans les deux départements) mais il y a trop d'homonymes pour un résultat probant. Nouveau coup d'arrêt dans mes recherches.

Et puis lors d'une semaine ordinaire, une alerte de Geneanet : des nouvelles de Marie Charrier sont publiées, avec ses parents ! Chouette me direz-vous. Ben, pas vraiment : l'arbre n'est pas assez détaillé, les actes non filiatifs pour être sûr que les parents soient bien les parents. De plus, il y a 11 ans de décalage entre l'âge (estimatif) donné par l'acte de décès de Marie et celui donné dans l'arbre en ligne. Ce n'est pas rédhibitoire, mais disons que ça ne va pas dans le bon sens.
J'élargis mes recherches grâce à l'option correspondances  : 5 couples correspondent avec ma Marie, mais les parents varient d'un arbre à l'autre ! Certains donnent bien un frère René, mais...
Trop d'homonymes, je vous dis.


Je relis alors le contrat de mariage et je vois parmi les témoins la tante maternelle, veuve de René. Je l'avais bien notée, mais sans comprendre l'importance.


Je retourne sur Geneanet avec ce couple : 4 résultats, aux informations très variables : noms juste cités, mention du décès de René sans lieu ou avec un lieu (mais pas le bon département) pour un autre. Je vais voir l'acte de décès à tout hasard. Il est filiatif : chouette ! Mais bon, son épouse n'est pas mentionnée. Nouveau doute. Elle est bien dite veuve l'année suivante (dans le contrat de mariage), mais quand même. Nouveau doute.

Certains arbres donnent un fils, d'autre une fille. Je vais voir le fils dont l'acte de mariage est mentionné (1825). Et cet acte est très détaillé et confirme le décès (douteux) de René cité plus haut.

Donc ce René est bien le frère de "ma" Marie. Et je connais enfin leurs parents, cités dans l'acte de décès de René. Et voici comment j'ai trouvé Honoré et Marie.


Et vous savez quoi ? Ce n'est aucun des parents cités dans les 5 arbres publiés sur Geneanet !

Ce "nouveau couple" est d'ailleurs inconnu sur Geneanet, ce qui s'explique sans doute à cause de la disparition des registres qui les ont fait entrer dans les oublis de l'histoire...



samedi 2 décembre 2017

La Suisse est un coffre-fort

J’ai des ancêtres Suisses. Dans le Valais. A Champéry pour la plupart. 11 générations. 170 personnes environs identifiées (soit environ 150 actes ayant date et lieu). De la fin du XVIème pour les générations les plus anciennes jusqu’aux années 1880 où Joseph Auguste, mon arrière-arrière-grand-père saute dans la vallée voisine… qui se trouve en France. 

Carte Champéry-Samoëns

Il demeure donc ensuite à Samoëns (Haute-Savoie). Il est le père de Jean-François Borrat-Michaud, que les fidèles de ce blog connaissent bien, puisque je le suis « pas à pas » depuis 1914 pour connaître « sa » Grande Guerre.

Bref, j’ai des ancêtres Suisses.

Quand j’ai commencé ma généalogie, je ne savais pas ce que ça allait signifier. Dans ma famille on le savait qu’on avait des ancêtres Suisses : cela faisait partie des légendes familiales. On expliquait même son nom : Un Borrat aurait épousé une Michaud (ou l’inverse, on ne sait pas) et les deux noms aurait été accolés.

Dans son acte de mariage à Samoëns Joseph est dit né en 1863, de nationalité Suisse, "fils majeur, célibataire et illégitime de Justine Borrat-Michaud". Il signe Joseph Michaud. Dans son acte de naissance (rédigé en latin) il est dit "fils illégitime de Justine Es Borrat-Michaux". Au fil des recensements de Samoëns (il y apparaît à partir de 1886) il est successivement nommé Michaud, Borrat-Michaud, Mechond, Borrat-Michaux, Michaux.
Pour l’anecdote, il est reconnu père une première fois en 1892, épouse la mère de l’enfant en 1893, reconnaît sa fille illégitime ainsi que celle que sa nouvelle épouse avait eu 11 ans auparavant, seule survivante de deux paires de jumelles illégitimes (sic).

Que d’informations grâce à cet acte de mariage :
- c’est lui LE Suisse. Le premier. Légende familiale en partie vérifiée.
- il est fils illégitime. C’était aussi, par hasard, le premier que je trouvais dans ma généalogie.
- il n’était pas trop regardant sur les vertus de son épouse qui avait déjà eu deux paires de jumelles illégitimes ; et lui-même, fils illégitime, ne devait pas être trop à cheval sur les bonnes mœurs étant donné qu’il a mis « la charrue avant les bœufs », lui faisant un enfant avant de l’épouser. Bon, bien sûr, je ne connais pas les circonstances de toutes ces naissances, je me garderais donc bien de juger qui que ce soit.

Mais désormais je sais d’où et quand part ma branche suisse : Joseph est né à Champéry, juste à côté de Samoëns, de l’autre côté de la frontière ; à ce détail près qu’il n’y a pas de route pour franchir la montagne entre les deux villages.

Carte routes Samoëns-Champéry

Et cette montagne qui barre la route n’est pas que géographique : elle est aussi symbolique. En effet, l’état civil (ou paroissial) n’est pas accessible en Suisse de la même manière qu’en France. En fait il n’est pas accessible du tout, si l’on peut dire. Ainsi, comme le dit Patricia Ruelle, généalogiste familiale à Fribourg sous le nom de Chronique du temps, « les archives en ligne sont très rares. Selon les cantons, il existe également de grandes disparités d’accessibilité des sources. […] En Valais, il faut une autorisation du curé pour pouvoir consulter les registres paroissiaux d’une commune. »
« L’état civil suisse [laïc] existe depuis 1876. » Cela ne me concerne donc pas pour Joseph (déjà né, pas encore marié).

Autre particularité : « L’origine [qui] est un concept important en Suisse, [il] se rattache à l’ancien droit de bourgeoisie des familles. La ville d’origine d’une famille est celle dans laquelle le père possède un droit de bourgeoisie, qu’il a hérité de son propre père. Le père de famille transmet donc son lieu d’origine à sa femme et à ses enfants, et c’est dans cette commune qu’il faudra chercher des informations concernant la famille nouvellement créée. »
Dans mon « malheur » j’ai eu une chance, mes ancêtres suisses sont (quasi) tous originaires de Champéry et sa ville voisine de Val d’Illiez. Les lieux identifiés, les recherches peuvent commencer…

« Les registres paroissiaux [sont]  consultables aux archives cantonales. Le fonctionnement est similaire aux archives paroissiales françaises : les registres d’une paroisse recensent tous les événements qui se sont déroulés dans cette paroisse, sans tenir compte cette fois de la notion d’origine (mais elle est souvent mentionnée).
Dans les cantons […] catholiques (Fribourg, Jura et Valais) ils sont écrits en latin ou en français (ouf ! j’ai échappé à l’allemand gothique des cantons protestants, c’est déjà ça !).
Dans certains cantons, les registres originaux sont conservés dans les paroisses. Les Archives cantonales conservent alors des copies microfilmées. Une vaste entreprise de microfilmage a eu lieu en Suisse depuis les années 1990. »

Je ne mentionnerais pas les autres sources possibles, celles-ci me posent déjà suffisamment de problèmes.

En effet, si je ne me heurte pas aux délais de communicabilité (vu les dates qui m’intéressent), et si les actes sont librement consultables… il faut aller sur place ! Je vous passe les détails des consultations données par les archives cantonales : « Pour des raisons pratiques, il n’est pas possible de commander plus de dix articles à la fois. Les documents sont distribués à heures fixes :
- 08h30 commande possible la veille jusqu’à 16h15
- 10h15 commande possible jusqu’à 09h15
- 14h15 commande possible jusqu’à 13h15 »

Dans les forums, j’apprends en outre que « les copies d'actes ne sont pas gratuites, il faut débourser l'équivalent d'environ 25 à 30 euros pas acte. L'acte est très sommaire » ; information à prendre au conditionnel (sur les forums on dit tout et son contraire), mais en plus de ça, je risque de me retrouver sur la paille : 3 750 à 4 500 € de copies d’actes : gloups !

Donc, pour résumer, il faut que j’ai l’autorisation écrite du curé de la (des) paroisse(s) et que je me rende ensuite sur place aux archives cantonales (en l’occurrence à Sion) et que je calcule bien mes articles à commander (à cause des horaires), par paquets de 10 maximum, soit au moins 15 jours de présence puisque j’ai identifié 150 actes. Et pauvre comme Job.
Pas possible !

Bon, je cherche rapidement une autre solution : je me tourne vers l’AVEG (Association valaisanne d’Etude Généalogique) et crie au secours ! Très généreusement, ils me fournissent – gracieusement en plus – une liste d’ascendant composant ma lignée suisse : noms, prénoms, dates et lieux de naissance quand ils sont connus. C’est ainsi que « j’ai » pu identifier mes ancêtres Suisses. Mais aucun acte.

J’ai tenté d’autres pistes, mais en vain. Ah ! si ! j’ai trouvé l’origine du patronyme Borrat : du patois borat, taurillon, jeune homme (latin burrus, rouge ardent), ou bore, poil, laine grossière (latin burra, bourre, bure). Es-Borrat est une forme valaisanne, tirée d’un lieu-dit signifiant "chez les Borrat" (es = en les) [selon Ch. Montandon, www.favoris.ch/patronymes).].
Concernant les Borrat-Michaud, le nom est une variante de Borraz, Borra qui apparaît dans un rôle des terres du Chapitre de Sion à la fin du XIIe siècle. Cette famille se divise en plusieurs branches dites Borrat, Borrat-Besson, Borrat-Michod ou Michaud, Es-Borrat.
Les Borrat-Michaud descendent probablement d'un Michaud (= Michel) Borrat, fils de Jacquet Borrat, de Prabit; ce Michaud Borrat apparaît dans une reconnaissance de 1457 [selon le Nouvel armorial valaisan, Neues Walliser Wappenbuch, Auteur : Jean-Claude Morend, Léon Dupont Lachenal, Edité en 1984]. Donc pas de Borrat qui épouse une Michaud : légende familiale qui s’envole en partie. Au passage, clin d’œil à mon oncle Michel, qui s’appelle donc en fait Michel Borrat Michel !

C’était il y a une dizaine d’années. Je me suis dit : « adieu les Suisses ! Jamais je ne vous connaîtrai davantage ».

Aujourd’hui Noël approche. Je me suis dis que je pourrais demander au Père-Noël de m’offrir ces fameux actes manquants. Non que je mette en doute les relevés fournis par l’AVEG, mais ma formation d’historienne « m’oblige » à voir (avoir) la source première. Je recherche donc un généalogiste familial dans le Valais Suisse sur internet. En vain : je ne trouve que des généalogistes successoraux.

Je me tourne à nouveau vers l’AVEG en leur demandant si eux peuvent me fournir les actes, ou à défaut les coordonnées de quelque un susceptible de pouvoir le faire. Gentiment – à nouveau – ils me fournissent la copie d’une vingtaine d’actes. Cependant « les actes proviennent de photographies des registres paroissiaux de Val d'Illiez et de Champéry, réalisées avant les restrictions de l'Evêché. Les photos numériques n'avaient pas la qualité des photos actuelles, d'où la piètre qualité de ces photos. Aujourd'hui en effet, l'Evêché est propriétaire des documents et en limite fortement l'accès. Du coup, tous les registres n'ont pas été numérisés, et il est difficile d'accéder aux originaux ou aux copies disponibles aux archives valaisannes pour faire des copies des actes. »

Dans le lot, l’acte de naissance de mon AAGP, qui confirme bien sa naissance illégitime (ce dont je ne doutais pas) ainsi que les actes de naissance et décès de sa mère (qui ne s’est jamais mariée, même si, apparemment  elle a vécu avec un homme qui a reconnu l’un de ses enfants illégitimes… oui, elle aussi a eu plusieurs enfants illégitimes : l’histoire se répète). Les autres actes, concernant les ascendants les plus proches, confirment les dates données par l’AVEG il y a 10 ans. Un tableau issu de leurs relevés vient compléter l’envoi, identique aux données déjà reçues. J’ai laissé de côté les trois ou quatre dernières générations car elles n’ont pas d’acte leur correspondant et, les données n’étant pas sourcées, je ne sais pas comment le lien et la parenté de ces personnes a été établi.

Mais il me reste encore 130 actes à trouver. Je contacte cette fois directement les archives cantonales, pour savoir si elles peuvent réaliser des copies. La réponse est non, mais elles me conseillent de me tourner vers… l’AVEG !

Donc en 10 ans, si la généalogie en ligne en France a fait beaucoup de progrès, force est de constater qu’en Suisse les données restent bien au chaud dans leur coffre-fort. Inaccessibles. Je referai peut-être une nouvelle tentative dans 10 ans, sait-on jamais…