« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 6 mai 2017

C'est ma cousine

En navigant sur Geneanet, j’ai trouvé un certain nombre d’arbres (ou de branches) qui correspondait à mes propres ancêtres [*]. On peut considérer que 90 ou 95% peut-être des déposants sont les descendants des personnes citées (le pourcentage restant concernant ceux qui dépouillent systématiquement leur village par exemple). Donc, tous ces descendants et moi-même entretenons un lien particulier : quelque part, à une époque donnée, nous avons eu un, ou des, ancêtres communs.
Logiquement, cela signifie que nous sommes de la même famille. 

Chanson Bonjour ma cousine © mespetitsbonheurs.com

Mais qu’est-ce que cela veut dire à ce niveau ? Quand l’ancêtre commun date du XVII ou XVIIIème siècle, que dix ou douze générations nous séparent ? Est-ce que cela a encore vraiment un sens ? Avec une grande majorité de ces déposants je n’ai pas eu de relation. Avec quelques uns, mes demandes de contact sont restées lettres mortes. Avec d’autres, je corresponds régulièrement, par différents biais.

Une seule d’entre elle, je crois, je tiens un blog de généalogie : c’est Françoise, alias Feuilles d’ardoise [**]. Ce qui me permet d’avoir de ses nouvelles régulièrement, et accessoirement, de nos ancêtres communs car il arrive couramment qu’elle fasse des articles sur eux. En effet, nous partageons 65 couples en commun : parfois il s’agit d’une seule paire de mariés, d’autres fois nous faisons un petit bout de chemin ensemble et nous nous suivons sur plusieurs générations. Pour moi, ce sont des ancêtres qui se situent plus ou moins autour de la Xème génération ; ce qui, vous en conviendrez, fait un peu ancien tout de même. Mais finalement, et irrémédiablement, nos arbres se séparent dans la seconde moitié du XVIIIème.

Techniquement ce n’est pas ma « cousine » (fille de mes oncles/tantes), ni ma « cousine issue de germain » - ou « remuée de germain », expression synonyme - (fille de mes cousins germains). Je l’appelle amicalement ma « multiple cousine », du fait de nos nombreux ancêtres communs, mais il n’y a pas, je crois, de mot officiel pour décrire notre degré de relation familial. D’ailleurs je ne la connais pas vraiment : hormis quelques détails qu’elle a laissé échapper sur les réseaux sociaux, je ne sais rien de sa vie privée. Elle n’en connait sans doute pas davantage sur moi d’ailleurs. Mais le hasard a fait qu’elle a pris un pseudo, « Feuilles d’ardoise », moi qui suis née à Trélazé, capitale des ardoisières d’Anjou… Hasard ou coïncidence ? Un point commun de plus en tout cas. Pourtant, malgré ces maigres informations dont je dispose, je la connais finalement mieux que certains de mes « véritables » cousins (ceux issus de germains, en particulier, qui sont pourtant plus proches « techniquement »). Paradoxe de la vie.

Françoise n’est pas un cas unique : grâce aux arbres en ligne j’en ai repéré plusieurs, de ces « multiples cousin(e)s ». Notamment une en Haute-Savoie qui la « bat » d’un cheveu avec 66 couples en commun et un en Anjou qui la laisse sur place avec 80 couples en commun. La palme revient à Bernadette, la cousine de mon père (la vraie : la « germaine » !) qui, elle, tient le record de la plus proche parente en ligne et du plus grand nombre d'ancêtres communs - logique - 165 couples ! Et même s’ils sont plus ou moins éloignés, j’ai toujours plaisir à lire les commentaires de M@g ou les mails de Jean-Pierre, comme lorsqu’on rentre chez soi après un long voyage et qu’on retrouve son univers familier. C’est normal, docteur ?

Et puis il y a tous les autres : ceux que je n’ai pas encore localisés et que je ne connaitrai jamais peut-être.

Est-ce que ce rapport particulier d’avoir un ancêtre commun qui nous lie fait de nous une famille ? Est-ce qu’il y a une différence avec mon boucher ou ma fleuriste ? (qui sont peut-être aussi de ma famille, sans que je ne le sache encore d’ailleurs…). Ou ces liens sont-ils une simple vue de l’esprit ? Est-ce qu’il y a un moment, officiel, où l’on décrète qu’on n’est plus de la même famille car trop de temps nous sépare ?
Et finalement, est-ce que ça a une importance ? Est-ce qu’on ne peut pas « choisir » sa famille ?


[*] Que les déposants soient d’ailleurs chaleureusement remerciés puisqu’ils m’ont permis de progresser dans mes recherches… enfin, pas tous, mais ça c’est une autre histoire (je ne remercie pas les « fantaisistes » qui y mettent n’importe quoi !).
[**] Mise à jour janvier 2018 : depuis j'en ai découvert d'autres, comme Raymond du blog L'arbre de nos ancêtres.


6 commentaires:

  1. Je ne peux pas quitter la lecture de ce billet sans y laisser - à chaud - un petit commentaire. Très chère cousine lointaine, sache que je suis très émue et - allez savoir pourquoi !- très fière d'être un peu responsable de ce touchant témoignage !
    Françoise (alias Feuilles d'ardoise )

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Une simple boutade entre nous ("il faudra bien qu'on compte un jour le nombre d'ancêtres que nous avons en commun !") et me voilà partie sur une réflexion philosophique sur la famille.
      Heureuse de savoir que tu as été émue, même si tu as été battue à plate couture sur le nombre d’ancêtres communs ;-) : c'est "l'effet famille" peut-être...?
      Au plaisir !
      Mélanie, ta multiple lointaine cousine

      Supprimer
  2. Texte très émouvant, comme je le comprends ...Moi je cousine un peu avec Françoise, qui sait peut-être avec vous.

    RépondreSupprimer
  3. Merci pour la comptine.(P non musicale ?.)
    Ce monde des comptines,où je reviens régulièrement pour réjouir ma petite fille ...
    Je dois dire, que j'aime particulièrement, "chère lointaine cousine",quand vous faites parler avec grand talent, nos ancêtres communs !

    RépondreSupprimer
  4. C'est la partition musicale de cette comptine qui m'a poussée à lire en entier votre billet. J'aime votre réflexion philosophique sur la famille "choisie" par rapport à la famille lointaine, qu'elle reste inconnue ou qu'elle se dévoile au fil de nos recherches généalogiques. Ce qui fait la vraie famille, selon moi, c'est le lien qu'on entretient avec les gens. J'ai eu, moi aussi, des échanges sur Geneanet, ou grâce à mon blog, avec des cousins plus ou moins éloignés. C'est toujours très émouvant. Bravo pour votre billet qui suscite les réactions.

    RépondreSupprimer
  5. J’aime bien cet article sur les cousinages que l’on se crée avec la généalogie. Je dirais que l’avantage c’est qu’on peut choisir les cousins avec lesquels ont est heureux de cousiner. En découvrant leur publication sur Généanet et Google, on se rend compte rapidement de ceux avec lesquels on a des affinités.
    Tu as bien de la chance d’être cousine avec Feuille d'Ardoise !

    RépondreSupprimer