« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

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lundi 6 janvier 2020

#Généathème : Un mois pour lire

Retour sur le #ChallengeAZ qui s’est tenu en novembre 2019 (dont le principe est de publier un billet par jour et par lettre de l’alphabet) pour partager ses coups de cœurs… ou autres ! Un mois pour lire, découvrir et apprendre.




  • Mon coup de cœur

Mon coup de cœur va au Challenge de Pascale, alias @derouvex, qui nous a tenus en haleine avec les lettres d’Alexandrine. 

Pudique ( ?), elle a assez peu parlé du travail de déchiffrage des documents, qui a pourtant dû être ardu. En effet Alexandrine utilise la technique du croisement : lorsqu’elle atteint le bas de la page elle tourne le papier à 90° et poursuit sa rédaction. Pour lire le texte il faut donc se concentrer d’abord sur les lignes horizontales, en faisant abstraction des verticales – et inversement pour avoir la fin du texte.
Pour beaucoup d’entre nous, notre généalogie est composée de laboureurs, vignerons et autres domestiques. Mais grâce à cette correspondance c’est comme si nous avions le droit de regarder un instant entre les grilles du château d’à-côté afin d'apercevoir les lumières d'un monde que nous ne connaissons pas, auquel nous n’avons généralement pas accès...
Et c’est magique. Tout d’un coup notre vie est peuplée de bals, de soies froufroutantes, de potins mondains…
Même si cela ne dure qu’un instant, un instant seulement, cela reste très savoureux.

  • Mon coup de peur

Mon coup de peur va à Françoise, alias @feuilledardoise, du blog éponyme.

Pour ceux qui l’ignorent, Françoise est ma « multiple cousine » car nous avons de très nombreux ancêtres en commun, bien qu’assez éloignés dans le temps. Et pour ce mois de novembre Françoise a décidé de faire son petit ménage de printemps dans son arbre. Au fur et à mesure des jours, vu l’ampleur que prenait la tâche, je lui ai proposé une tronçonneuse plutôt qu’une balayette. Il faut dire que certaines branches sont passées chez le coiffeur et ont reçu une coupe franche et nette !
Et j’ai eu bien peur que Françoise finisse par couper nos liens. Heureusement il n’en est rien. Nous sommes toujours cousines !


  • Mon coup de fleurs

Mon coup de fleurs va à l'équipe de Gloria, alias @lulusorcière, du blog Lulu Sorcière Archive

Non pas parce que il vaut mieux compter les sorcières parmi ses amis que ses ennemis (quoique…), mais surtout parce ce challenge et l’exemple d’un challenge collaboratif. Si l’idée en est simple, ce n’est pas toujours facile à mener à son terme ; donc bravo à tous ceux qui ont pris part à l’aventure.
Par ailleurs, il traite d’un sujet que je trouve fort intéressant, bien que souvent mésestimé : les cimetières. Témoin d’un patrimoine trop souvent oublié, il est aussi un conteur d’histoires fabuleux à qui veut bien tendre l’oreille.


samedi 14 juillet 2018

#Généathème : Des objets

Je n’ai pas d’objets familiaux en ma possession (à part peut-être une médaille mystérieuse), même si quelques uns sont passés entre mes mains. Mais j’ai dû les rendre à leurs propriétaires légitimes. Par contre, j’ai  hérité de beaucoup de papiers de familles : cela va de cartes postales aux avis de décès, en passant par les cartes d’identité ou des photographies – j’ai déjà eu l’occasion d’en parler sur ce blog.
A l’occasion du défi #genealogie30, j’ai abordé plusieurs fois les documents laissés par mon grand-père paternel, lui qui avait commencé sa généalogie et celle de son épouse, et qui m’a transmis le virus.

Dans le carton des « vieux papiers », j’ai exhumé un document écrit de sa main, où il raconte quelques souvenirs, bribes de son histoire. Aujourd’hui il se présente sous la forme de quatre photocopies, format A4 ; mais à l’origine cela devait être deux feuillets, puisque l’un porte la mention « suite au verso ». On y retrouve sa belle écriture soignée (et ses tournures de phrases un peu surannées) que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer et qui m’émeut toujours quand je la vois. Je retranscris ce document tel qu’il m’est parvenu (orthographe comprise…).


Il commence par évoquer ses parents :

Page 1
 « Mes parents sont nés tous les deux, la même année en 1888. S’ils vivaient encore, cela ferait bientôt cent ans. Ils m’ont appris bien des souvenirs de leur temps que j’ai essayé de garder. »

Mon grand-père, Daniel Augustin, était fils unique. Ses parents, Augustin Daniel Astié et Louise Joséphine Lejard éteint bien nés tous les deux en 1888. Lui à Angers et elle à Andard (Maine et Loire). Ce document a donc été écrit un peu avant 1988 : mon grand-père avait alors entre 70 et 75 ans.

« Je suis un grand-père, et, avec mamie, nous avons eu des enfants, qui, à leur tour, nous ont donné bien des petits enfants. C’est cela la famille, ceux qui nous suivent et ceux qui ont été avant nous. »

En 1935 il a épousé Marcelle Philomène Assumel-Lurdin, celle qu'il appelait « mamie » à la fin de sa vie. Ensemble, ils ont eu 7 enfants. Au moment où il écrit ils ont un peu plus de 20 petits-enfants. Leurs arrière petits-enfants ne sont pas encore nés, mais ils en verront quelques uns avant leurs décès. Quand à la dernière phrase, je trouve que c’est une belle définition de la famille, voire de la généalogie.

« Je suis né en 1913, l’année avant la grande guerre mondiale de 1914-1918. Mon père ne m’a pas connu longtemps avant de partir à la guerre. Il a été comme tous les soldats français au front, dans le nord ou à l’est de la France. »

Mon grand-père naît en juin 1913. La mobilisation de la première guerre mondiale est décrétée le 1er août 1914, soit un peu plus d’un an après sa naissance. Faisant partie de la classe 1908, son père Augustin avait déjà fait son service militaire et envoyé dans la réserve en 1911. Mais en 1914, âgé de 26 ans, il est aussitôt rappelé sous les drapeaux : le 15 août 1914 il rejoint la 22ème compagnie C.O.A., c'est-à-dire une section de commis et ouvriers d’administration (unités chargées du ravitaillement des troupes)… ou d’artillerie (chargés de l'entretien dans les forts des pièces d'artillerie) ; je ne sais pas quel est la bonne section où il a été envoyé. J’ignorais aussi qu’il avait été dans le Nord de la France, sa fiche militaire ne le précisant pas.

« Puis la guerre s’est étendue dans une autre partie de l’Europe, au sud, en Serbie – qui n’est plus maintenant un état indépendant et fait partie de la Yougoslavie – L’Autriche et la Hongrie étaient alliée de l’Allemagne et se battaient contre la Grèce, alliée de la France. »

Sans doute mon grand-père partage-t-il les souvenirs de son propre père, ou bien est-ce son goût pour l’Histoire (et les histoires) qu’il aimait raconter ?

« Mon père, avec beaucoup d’autres soldats, dont son capitaine, Mr Bessonneau, le patron de l’usine d’Angers, ont été envoyés par de grands bateaux naviguant en convois sur la mer Méditerranée, à Salonique, une ville très ancienne de la Grèce. »

Nous entrons ici dans la légende familiale qui veut que le patron des usines Bessonneau d’Angers ait été envoyé sur le front d’Orient en "emportant" avec lui tous ses ouvriers. Les Angevins connaissent bien les usines Bessonnneau, un des plus gros employeurs de la ville, ancienne manufacture de chanvre, puis « filature, corderie et tissage », avant de fabriquer des tentes de grandes tailles pour protéger les aéroplanes, qui eurent beaucoup de succès pendant la guerre et son aviation naissante. Je n’ai pas trouvé la preuve qui me permettrait de confirmer que Bessonneau a bien emmené avec lui tous ses ouvriers. Quoi qu’il en soir en septembre 1915 Augustin sera affecté dans un groupe d’aviation, direction « l’Orient ». Ce que nous confirme l’extrait suivant :

Page 2
 « Il était dans le grand corps de l’aviation, dans les rampants, ceux qui s’occupaient des hangars, des moteurs, et… des avions au sol. »

D’abord basé à Salonique, il fut ensuite affecté dans les Dardanelles.

« Ma mère a besogné dur pour pouvoir vivre. Elle faisait de la couture pour les habits des soldats et travaillait aussi chez une charcutière dont le mari était au front. »

Elle était couturière à l'école Chevrollier, place de l'Académie, l'année de son mariage (1912) ; mais j’ignore quel était son employeur pendant la guerre. Mon oncle Jean a hérité de sa vieille machine à coudre à pédale (même si elle était alors  hors d’usage), en souvenir d'elle ; machine qui avait dû longtemps lui servir. Elle fut aussi servante chez le docteur Letournel. Leur précédente domestique s'appelait Joséphine : en embauchant Louise, ils ont donc décidé de la rebaptiser Joséphine, histoire de n'avoir pas à retenir un nouveau prénom ! Par hasard, il se trouve que c'était le second prénom de Louise : ça tombait bien ; mais de toute façon elle n'avait pas son mot à dire. Après-guerre elle a, elle aussi, travaillé chez Bessonneau (comme tout le monde à Angers !).

« La guerre terminée par la défaite des allemands et des autres nations qui s’étaient mises du côté des prussiens, les soldats français rentrèrent  dans leurs foyers après l’armistice du 11 novembre 1918.
Le régiment de mon père dut rapatrier tout le matériel que la France avait envoyé à l’armée qui avait défendu les petites nations loin de ses frontières pendant quatre ans. Ces soldats ne rentrèrent en France qu’au début du mois de janvier 1919. »

Nommé caporal en 1917, Augustin est finalement démobilisé en mars 1919 selon sa fiche militaire (motif : un enfant, trois frères tués au combat). Le souvenir de mon grand-père d’un retour en janvier est donc sans doute un peu prématuré. Par ailleurs, il obtient une pension d’invalidité ayant été infecté par le paludisme lors de son affectation en Orient.

« Je me rappel bien du retour de mon père, arrivé chez nous, comme ça, à l’improviste. Je revois sa vareuse militaire, son képi gris, - il n’était plus bleu horizon – et aussi ses bandes molletières aux jambes, mais surtout le bonheur de mes parents. »

Mon grand-père avait alors 6 ans. Le retour, tant attendu et pourtant inopiné, a dû être une véritable surprise et une joie pour Louise qui n’avait pas dû voir son mari pendant de longues années. Le récit de mon grand-père passe sous silence une légende familiale qui dit que lui, au contraire de sa mère, ne fut pas du tout enchanté de « l’intrusion » de cet homme inconnu (il n’avait pas de souvenir de lui avant-guerre bien sûr) dans le foyer intime qu’il partageait seul avec sa mère !

« Quelques jours après nous avons été nous faire photographier tous les trois. Ces photos et les souvenirs que j’ai de tous ces moments là sont pour moi, et pour les miens, la mémoire vivante que je veux laisser à tous mes enfants et petits enfants pour qu’à leur tour ils aiment garder les liens que nous tissons entre nous avec les bons et les durs moments de notre vie. »

La photographie dont il est question ici, la voici :

Quand à la mémoire, elle est toujours vivante grand-père, grâce à tes écrits…

Le document se poursuit sur sa vie proprement dite :

Page 3
 « Quelques réflexions sur la vie professionnelle d’un gamin du Faubourg St Michel. »

La famille Astié a habité ce faubourg Saint Michel à Angers, faubourg qui n’existe plus aujourd’hui ayant été détruit pour insalubrité dans les années 1960 ; et on peut comprendre pourquoi : le bâtiment où ils habitaient était en partie creusé dans l'ardoise. Le rez-de-chaussée était occupé par la boucherie Frète (oncle et tante d’Augustin) et l’usage du premier étage était réservé à la « grand-mère Frète ». Le deuxième étage, au sommet du rocher, donnait sur une petite cour avec le logement de la famille Astié et un cabinet d'aisance dont la fosse était creusée dans le rocher. Dans ces vieux bâtiments les logements étaient imbriqués les uns dans les autres. L'escalier était taillé dans le rocher d'ardoise. L'appartement était petit et sombre. La cuisine donnait sur la cour et la chambre donnait sur la rue. Dans cette chambre une cloison séparait le lit de Daniel du lit des parents. [1]

« A 13 ans, vers le milieu du mois de juillet, après la fermeture de l’école primaire du faubourg St Michel pour les vacances scolaires, muni de mon certificat d’étude, sans plus attendre, je commençais ma vie professionnelle.
Mon père m’avait trouvé une place d’apprenti mécanicien. « Chez Tafforeau-Taffanel » ainsi que l’on disait. Je pouvais devenir ajusteur dans la mécanique agricole. Noble ambition ! Hélas ! deux mois après, un petit accident au poignet droit dont j’eu bien garde de me plaindre, fut découvert par le contremaître. La grimace que je fis lorsqu’il me tourna les poignets pour voir su j’avais des ampoules aux mains fut le signal de la fin de ma carrière dans cette grande profession. »

C’était l’époque où on ne « perdait pas trop de temps à faire des études » : dès 13 ans, mon grand-père s’apprête donc à devenir un mécanicien (dans tous les sens du terme). D’après cet extrait, et les termes qu’il emploie au sujet de cette profession, cela semblait lui convenir. Mais son « petit accident » était assez sérieux tout de même puisqu’il fut renvoyé et immobilisé longtemps, comme il est dit ensuite :

« Pendant un an et demi mon avant bras droit resta immobilisé dans un plâtre. Dans le faubourg, on craignait plus que tout, la tuberculose. Cette période inactive fortifia ma constitution. A l’école j’aimais le « dessin géométrique ». Le docteur Jamin ami de la famille me recommandat à un architecte, Mr. Bricard. Tout le reste de ma vie professionnelle et familiale fut heureusement orientée par ce fichu accident, qui et, longtemps après, par de l’arthrose qui se rappelle encore à moi.
suite au verso »

L’accident était donc sérieux. Mais il eut d’heureuses conséquences : l’entrée en poste chez un architecte, où mon grand-père pu laisser s’exprimer son goût pour le dessin (et la belle écriture). Finalement, ce devait davantage lui convenir qu’un métier de mécanicien !

Page 4
 « C’est en 1928 que j’entrais au service de Mr Bricard Architecte rue Celestin Port à Angers pour apprendre le dessin d’architecture, faire les courses, tirer les plans en x exemplaires etc… Tant bien que mal, j’appris à comprendre et à tracer des plans. Mr Enguehard me format et je lui en suit très reconnaissant. On me fit parfois copier des plans et les mettre à une échelle supérieure. »

Il entre au cabinet d’architecture en 1928 ; il a donc 15 ans. Il a toujours été passionné par le dessin et avait chez lui une grande table d’architecte… et n’a pas aimé du tout lorsque l’un de ses fils l’a utilisée pour en faire un toit de cabane ! C’était une période heureuse pour lui je pense.

« Puis vint une période particulièrement difficile par suite de la crise qui sévissait aux Etats Unis. Mr Bricard se sépara de moi et de peut être d’autres dessinateurs qualifiés. J’avais appris bien des choses qui m’aideraient par la suite, très efficacement. Cela se passait début octobre 1933. J’étais sans travail et bien ennuyé. »

La « crise de 29 » eut donc des conséquences jusque dans ma famille. Et voilà mon grand-père, âgé de 20 ans, sans emploi et « bien ennuyé » pour reprendre ses mots ! Mais…

« J’avais connu une jeune fille au cours d’un pèlerinage à Lourdes. Elle me plaisait beaucoup. Je crois que nous nous aimions. J’en suis absolument sûr, maintenant, après plus de cinquante années d’épousailles ! »

Plusieurs photos montrent ce pèlerinage à Lourdes, dont celle-ci :
Daniel pose à côté d’une jeune fille, Marcelle… qu’il épousa en 1935. Leur mariage dura 66 ans.

« Un camarade scout, André Alliot, qui devint son beau-frère en 1937, fit part a son père, directeur du Grand Bon Marché, place du Ralliement, de ma situation de sans travail. Il avait besoin d’un apprêteur, vendeur, et autres fonctions. Il me prit à son service. C’était le 15 octobre 1933. Je n’avais pas été longtemps sans occupation. J’appris bien des choses. A connaitre les tissus, le contact avec la clientèle, les rouries de la vente, flater le client, mais pas trop, complimenter la maman de ce joli garçon auquel on essaye un costume plus grand que son âge, car il va grandir n’est ce pas, mais surtout parce qu’il n’y en a pas d’autres en rayon. J’ai aimé cette période, qui m’a fait comprendre que l’on peut convaincre, sans forcer la personne à abandonner son point de vue, mais en l’enrichissant de conseils ou d’arguments supplémentaires qui lui feront prendre une décision plus conforme ou plus réfléchie en fonction de ses besoins. Cela m’a beaucoup aidé par la suite, dans le devoir d’orienter des gens vers des solutions qui s’imposaient, avec beaucoup plus d’importance a eux. »

La période de chômage de mon grand-père ne dura donc qu’une quinzaine de jours. Il apprit un nouveau métier et ses anecdotes sur son nouvel emploi sont, je trouve, assez savoureuses. Il occupa ce poste jusqu’à la guerre. Il devint ensuite secrétaire général des Mouvements Familiaux - pendant et après la guerre - et participa à la création de l'UDAF (Union Départementale des Associations Familiales), en 1945. Il aida de nombreuses familles et je pense que c’est l’allusion qui se cache derrière sa dernière phrase. Militant populaire des familles, il prit avec son épouse, l'organisation et la gestion de la Maison Familiale de Vacances et de Repos des Travailleurs, située sur le domaine du Hutreau à Sainte-Gemmes-sur-Loire, dans la proche banlieue d’Angers (de 1945 à 1952). C’est là que mon père est né.

Mais ceci est une autre histoire car les souvenirs de mon grand-père couchés sur ces papiers s’arrêtent ici.



[1] Merci à mon oncle Jean pour ces précieux souvenirs.




samedi 23 juin 2018

#Généathème : Des ancêtres

Pour ce #Généathème de juin laissons faire le hasard : la loterie des ancêtres s'est chargée de désigner le/la personne à étudier. Et c'est le numéro 73 qui est sorti pour moi !

Mon sosa n°73 est donc forcément une femme (numéro impair) [1]. Elle se nomme Michelle Dubois. Elle appartient à la branche angevine de mon arbre. Comme c’est une femme, je n’ai que peu d’information sur elle (les femmes sont toujours moins présentes dans les archives). Néanmoins, je sais qu’elle née en 1768 dans la paroisse de Jarzé, située à une trentaine de kilomètres au Nord Est d’Angers, d’où vient un grand nombre de mes ancêtres. Dans les années 1790 Jarzé compte un peu plus de 1 600 habitants.

Michelle n’a pas connu ses grands-parents, tous morts avant sa naissance. 

Ses parents, René Dubois et Jeanne Redessant  (dont on connaît une dizaine de variantes orthographiques du nom au fur et à mesure des actes) se sont mariés en 1754 et ont donné naissance à 9 enfants (3 fils et 6 filles). Michelle est la numéro 8. Comment se sont-ils connus ? Difficile à dire. Mais on ne peut manquer de remarquer que leur premier enfant naît trois mois seulement après le mariage ; il était temps ! Ce fils, hélas, ne verra pas l’âge adulte : il meurt âgé d’à peine trois ans.

La famille Dubois a quelque peu bougé : les 5 premiers enfants naissent à Echemiré, les 4 derniers à Jarzé. Il semble que, comme son père avant lui, René Dubois ait déménagé au fil des emplois trouvés : travailleur de la terre, il est tantôt dit closier tantôt cultivateur. Il est né à Jarzé. Son épouse Jeanne est dite de même, mais son acte de naissance n’y a pas été trouvé. Il semble que la famille Redessant habite Echemiré, paroisse voisine, lors du mariage de René et de Jeanne en 1754 ; c’est peut-être la raison qui explique que leurs premiers enfants y soient nés.

Au moment où « notre » Michelle naît, la famille est revenue à Jarzé depuis 4 ans ; elle n’en bougera plus. La paroisse a, selon le Dictionnaire historique et géographique de Célestin Port (1876/1878), « un sol inégal, coupé de vallons et de hauts coteaux boisés ». Vignes et bois se partagent le paysage.

La famille Dubois allait-elle aux grandes foires du 23 avril et celle du 2ème mardi de juin ? Ces foires existaient-elles seulement à leur époque ? Peut-être que les dates n’étaient pas les mêmes, mais sans doute en existait-il déjà et la famille devait s’y rendre, comme la majorité des paysans, ne serait-ce que pour vendre une partie de leur production, faire des rencontres et échanger les dernières nouvelles.

Quoi qu’il en soit, ils allaient forcément à l’église de Jarzé. Celle-ci est dédiée à deux saints peu connus, Saint Cyr et Saint Julitte. Jeanne a-telle raconté leur histoire à Michelle ? Lui a-t-elle dit qu’il y a fort longtemps, dans une ville lointaine, à Tarse, vivait un juge nommé Alexandre qui aimait à condamner les chrétiens. Que Saint Cyr avait à peine cinq ans lorsqu'il se faufila dans le tribunal en criant: "Moi aussi, je suis chrétien". Il courait dans les salles du tribunal et personne ne pouvait le rattraper. Il fallut plus d'une demi-heure pour que le juge mette la main dessus. Devant les exclamations de l'enfant, il lui fracassa la tête contre un mur. Sainte Julitte (ou Julienne), la mère de saint Cyr, fut également martyrisée [2]. De quoi calmer les ardeurs d’une enfant trop remuante sans aucun doute…

L’église s’élève un peu à l’écart du bourg, sur un sol fortement incliné. Une simple église de quatre travées, ajoutées au XVIème siècle à l’édifice primitif, où la petite Michelle Dubois a sans doute contemplé les voûtes en croisées d’ogive ornées de clés armoriées. Peut-être s’est-elle laissée distraire de l’office par la lumière qui entre dans l’édifice par des fenêtres à double meneau. Sa mère l’a peut-être légèrement poussé du coude pour qu’elle recentre son attention sur le prêtre officant dans la nef antique, composée de trois travées, servant de chœur. En partant, la famille a peut-être fait des dévotions particulières à la Vierge, dont une chapelle latérale lui est dédiée .Michelle a-t-elle été impressionnée par le chanoine Grippon dont le cadavre, couché nu, les mains croisées, étaient représenté sous son épitaphe datée de 1524 ? Ne préférait-elle pas contempler les belles statues de Saint Christophe et celle de Notre-Dame qui ornaient, plus loin, la chapelle seigneuriale ? Dans le chœur, a-telle pu s’approcher des stalles dont les miséricordes étaient ornées de feuillages, chauves-souris, « têtes de sauvages et bêtes fantastiques » ?

Église de Jarzé, lithographie de Deshayes et Bachelier, XIXe © AD49

Je n’ai trouvé aucune information particulière sur l’enfance de Michelle. Sans doute s’est-elle écoulée comme toutes celles des enfants de cultivateurs, au milieu d’une nombreuse fratrie. La seule anecdote notable est que le curé s’est trompé en rédigeant son acte de naissance : il a noté que le nom de sa mère était Dubois (son nom d’épouse) et non Redessant (son nom de jeune fille).

Est-ce qu'à la veillée on racontait des histoires à faire peur, des anecdotes du passé ? comme les épisodes de peste qui ont décimé la population angevine, notamment celle des années 1640 ; ou bien encore l’histoire de cette femme tuée en 1611 à coup de bâton et achevée d’un coup de pistolet parce qu’on l’accusait d’être une sorcière (et cependant enterrée dans le cimetière de Jarzé) ? Est-ce que pour garder les enfants à la maison on leur parlait de la « bête féroce » qui dévorait les enfants isolés de la paroisse quelques 70 ans plus tôt ?

Lorsqu’elle a 26 ans, Michelle et sa famille vont sans doute assister à l’ouverture de l’enfeu seigneurial : formant deux caveaux, on y trouva quatre cercueils « usés et vétustes », dont deux étaient brisés. Le tout fut transporté à Baugé. Cela a dû représenter un événement important dans la vie paroissiale et alimenter bien des conversations.

Est-ce que la période troublée de la Révolution a eu un impact direct sur leur vie ? Difficile à dire. Le château seigneurial, par manque d’héritiers mâles, avait déjà été plusieurs fois vendu. Il est loin le temps où le roi Charles IX s’y était arrêté pour dîner. Jarzé connu bien quelques troubles, notamment en 1794 lorsque l’armée vendéenne incendia le château, mais on ne signale pas d’autres événements graves.
La famille ne semble pas avoir déménagé à cette période, ni changé d’emploi, mais les sources la concernant sont assez lacunaires et il est délicat de combler les trous.

Michelle se marie assez tard, à 29 ans, avec un cultivateur nommé Louis Lejard (en 1798). La famille Lejard est aussi un peu nomade, même si elle reste dans un cercle géographique relativement restreint : Vieil Baugé, Le Plessis Grammoire, Fougéré, Clefs, Saint Quentin les Baurepaire… Les nombreuses variantes orthographiques de leur patronyme m’ont souvent causé quelques difficultés pour les pister (sans compter les nombreux déménagements). Louis est né au Vieil Baugé, un peu par hasard puisque ses parents déménageait environ tous les 5 ans. Il a 27 ans lorsqu’il épouse Michelle. Celle-ci a perdu son père 6 ans plus tôt : est-ce l’un de ses frères (tous deux témoins de son mariage) qui l’a menée à l’autel ? Je ne connais au couple que trois enfants, nés entre 1799 et 1806, mais peut-être d’autres m’ont-ils échappé lors de déménagements demeuré inconnus. Entre temps, Michelle assistera au décès en sa mère, en 1800.

Le fils aîné des Lejard, Louis, né en 1799, est mon ancêtre direct. Il est l’arrière-grand-père maternel de mon grand-père. Michelle assistera à son mariage en 1826 à Saint Barthélémy d’Anjou, avec Marie Pillet. Celle-ci est aussi issue d’une famille de cultivateurs qui a un pied à Jarzé, un pied ailleurs selon les circonstances. Michelle verra la naissance de ses 4 petits-enfants.

Elle s’éteindra à Jarzé en octobre 1840, dix ans avant son époux, à l’âge de 71 ans.


[1] Pour mémoire les numéros sosa sont une façon de compter et d’identifier les ancêtres : la souche de l’arbre est le n°1, son père le 2, sa mère le 3, son grand-père paternel le 4, etc… De cette façon tous les numéros pairs sont des hommes et les numéros impairs des femmes.
[2] Ce qui fait de Saint Cyr l’un des plus jeu martyr de la chrétienté. Des variantes existent sur l’histoire, mais le crâne de l’enfant finit toujours par être fracassé. De même, son nom connaît plusieurs formes : Cirgues ou Cirq par exemple. 42 localités portent ce nom (Saint Cirq Lapopie, dans le Lot, est l’une des plus connue). Source : Nominis.

jeudi 24 mai 2018

#Généathème : Autour de la famille

J'ai choisi la famille Prost, étudiée sur trois générations, à voir et/ou à lire.
Pour ceux qui préfèrent voir, voici une infographie :

Pour les plus curieux, voici le détail à lire :
  • Génération n°1
- les grands-parents sont originaires de Martignat, petite commune de l'Ain dont le bourg se situe à 500 m d'altitude et compte environ 650 habitants. Nés sous l'Ancien Régime, ils se marient en 1798. Ils auront 4 enfants, dont les trois premiers meurent en bas âge. Cultivateurs et propriétaires, ils ne savent pas signer. Cependant, ils ne devaient pas vivre dans l'indigence car ils laissent un héritage relativement important : en effet, même si nous n'avons pas de détail sur leurs possessions, nous savons que le mobilier est évalué à 71 francs et 41 francs pour le revenu des immeubles (soit 112 francs). Marie Françoise meurent en 1832, à 69 ans et François en 1840, à 70 ans.
  • Génération n°2
- les parents : mon ancêtre Jean Marie est donc le seul survivant de sa fratrie. Né le 9 frimaire an XIV, ou le 30 novembre 1805, il fait sa vie à Martignat, comme ses parents. Cependant on le voit d'abord exercer le métier d'aubergiste (1828/1838), avant d'être dit cultivateur (1852/1860), puis enfin, au moment de son décès, rentier. Instruit, on le voit signer plusieurs documents. En 1827, il épouse une fille de cultivateurs de Cerdon, commune située à une vingtaine de kilomètres au sud ouest de Martignat, nommée Marie Moillie. Ils sont alors âgés de 21 ans et sont tous les deux descendants du couple Louis Bondet et Claude Robin (à la 7ème et 8ème génération). Ensemble, ils auront cinq enfants (cf. ci-dessous). Lorsque Marie meurt, en 1882, à 77 ans, elle laisse à ses enfants un patrimoine évalué à 132 francs. Lorsque son époux décède à son tour, l'année suivante (à l'âge de 78 ans), l'héritage a légèrement fondu : il n'est plus que de 125 francs.
  • Génération n°3
- les enfants : Rompant avec la tradition familiale, l'aîné, Auguste, se fait gendarme. Du fait de son métier, il déménage souvent : on le voit dans le Loiret, la Sarthe et le Loir et Cher notamment. On lui connaît deux enfants, mais vu ses nombreux déménagements, d'autres ont pu nous échapper. Il meurt à 60 ans dans le Loir et Cher.
La seconde, Célestine, reste à Martignat. Elle est ouvrière en soie, profession courante dans ces régions de l'Ain, qui peut s'exercer soit en manufacture soit en complément d'une activité agricole plus classique. Elle décède à 21 ans, sans s'être mariée.
Le troisième, Jean Baptiste, naît à Martignat. En 1886 il est dit cultivateur dans cette commune. Il épouse alors une fille de Montréal la Cluse, commune voisine, mais on perd leur trace ensuite. Ils ne semblent pas avoir eu d'enfants dans aucune des deux communes et leurs décès n'ont pas été trouvés d'après les ressources en lignes.
La quatrième, Marie, est aussi ouvrière en soie. Elle fait sa vie à Martignat, où elle se marie en 1864. Elle mettra au monde trois enfants. Son décès n'a pas été trouvé.
La dernière, enfin, Marie Philomène, est la grand-mère de ma grand-mère. J'ai déjà raconté son histoire à propos du "projet Philomène". Cultivatrice, elle est elle aussi restée à Martignat. Instruite, elle signait son nom, même s'il lui arrivait d'intervertir deux lettres de son prénom parfois ! Elle épousa Alphonse Gros dont elle eu trois enfants. Elle mourut en 1928 à l'âge canonique de 85 ans, ce qui fait d'elle l'une des plus âgée de mes ancêtres.


samedi 14 avril 2018

#Généathème : J'ai fait parler une carte postale

Élise a ses « invisibles », moi j’ai mes « fantômes ». Les invisibles, ce sont ces ancêtres dont on ne sait presque rien (une mention, un acte…). Les fantômes, c’est l’inverse : j’ai pour eux des photographies, des cartes postales et même des témoignages directes de personnes qui les ont connus et côtoyés. Mais je n’ai les ai jamais trouvés dans aucun document « officiel » (état civil, recensement, acte notarié…). Ils font partie du fameux « trou noir de la généalogie » : trop anciens pour s’en souvenir, trop récents pour que les documents les concernant soient librement communicables.

J’avais déjà eu l’occasion, l’année dernière, de raconter comment j’avais hérité d’un gros tas de cartes postales (182 exactement) écrites à mon arrière-grand-mère paternelle Marcelle Macréau, l’épouse de Jean-François Borrat-Michaud - que les lecteurs de ce blog connaissent bien. Entre temps, j’ai aussi numérisé l’album de photographies reçu dans les mêmes conditions. Je profite donc de ce généathème « cartes postales » pour tenter de donner corps à mes fantômes, en espérant l’aide de l’album familial, et faire parler, non pas une, mais un tas de cartes postales...
Rappelons que le couple demeure après-guerre à Eaubonne (Val d’Oise). Lui est originaire de Samoëns (Haute-Savoie) et elle du Sud-Ouest de la Seine et Marne (nombreux déménagements entre Meaux et Coulommiers). Je ne sais pas quand et comment ils se sont rencontrés mais au moment de leur mariage en 1920 ils sont tous deux domiciliés à Eaubonne, dans la même rue, précisément au 29 et au 35.

En comparant les cartes postales et les photographies, je m’aperçois que des personnes figurent dans ces deux sources. Me voici donc partie à la chasse aux infos.

- la famille Greff :
Marie-Louise, la sœur de Jean-François, épouse Joseph Greff. Partie de Haute-Savoie comme son frère, elle demeure entre Paris et la Seine et Marne, mais elle revient ensuite à Samoëns, ce que je sais grâce à la correspondance des cartes postales de la fin des années 1960, le décès de son mari en 1972 et son domicile indiqué lors de son propre décès en 1976, bien que celui-ci ait lieu à Levallois-Perret (Hauts de Seine) sans que je ne sache pourquoi. Je lui ai trouvé une fille, Denise. Une homonyme de Denise Greff habite aujourd’hui Samoëns : je lui ai écrit pour savoir si elle était « ma »Denise, ou une de ses descendantes… Elle ne m’a jamais répondu.

Famille Greff, date inconnue © Coll. personnelle

J’ai 4 cartes postales signées d’une Denise, écrite dans les années 1960/1970, adressée à « ma chère tante » : je retrouve donc là sans doute Denise Greff.
Par ailleurs, il y a aussi dans l’histoire un Richard (évoqué par ma grand-mère, mais je ne l’ai pas trouvé). Or une autre carte est signée de la même Denise mais aussi de Richard : voici un fantôme qui prend corps, même si je ne peux pas encore le situer précisément dans l’arbre généalogique : Peut-être est-ce son époux (la carte est écrite en 1966, Denise est née en 1921) ou bien son fils ? (en 1964 elle écrit « Je rentre d’ici [Italie] par Samoëns et ramènerai Richard »). Je n’ai pas de photo de lui – ou bien il fait partie du tas de clichés dont les personnes ne sont pas identifiées. Mystère.

Enfin je dispose d’une dernière carte de la famille, signée « J. Greff » et, si je lis correctement, « Louise ». Il s’agit donc sans doute de Marie Louise. Mais eux ne font que signer la carte : son auteur est Huguette, nièce de Marcelle (comme l’indique l’en-tête « ma tante »). Or j’ai, dans l’album familial, la photo d’une petite fille légendée Huguette que je ne parvenais pas à rattacher à une famille précise. Si j’en crois cette carte, Huguette serait peut-être la fille de Marie-Louise et Joseph Greff ; mais je n’en ai aucune preuve. Encore un fantôme.

Huguette, date inconnue © Coll. personnelle

Signatures des cartes postales des Greff :

- la famille Davy :
Marcelle a plusieurs sœurs dont Germaine. Celle-ci a épousé Roger Davy, dont ils ont eu un fils, Jacky. La famille est très prolixe en écriture, du moins d’après les cartes dont j’ai hérité : 25 cartes ; soit 11 cartes de Germaine, 7 de Roger et 5 signées des deux. Deux autres cartes restent mystérieuses : l’une est signée de Roger et Valentine, l’autre Germaine et Bernadette… mais je ne sais pas qui sont Valentine et Bernadette !

Famille Davy, date inconnue © Coll. personnelle

La plupart des cartes étaient envoyées sous enveloppe car elles sont écrites sur absolument toute la surface et le texte se poursuit même parfois dans les (petites) marges, à la manière d’un escargot, ce qui fait qu’il faut tourner la carte pour poursuivre la lecture et que la signature se retrouve en général à l’envers par rapport au début du texte.
Plusieurs de ces cartes sont écrites de Hauteville-Lompnes (Ain), ce qui me fait dire qu’ils y ont sans doute déménagé, alors que je ne leur connaissais qu’une adresse jusqu’à présent : Mortcerf (Seine et Marne).
De nombreuses cartes sont envoyées par Roger seul dans les années 1970, car il semble être séparé momentanément de son épouse Germaine. La raison en est peut-être sa santé : il y parle en effet de maladie. Ces cartes sont écrites de Bretagne (de Plumelec, Morbihan) : est-il aller là-bas se faire soigner ? Ou bien y habite-il car sur certaines cartes il parle des légumes de son potager et des lapins qu’il élève (et qui feront de bons civets rapportés à Marcelle !). J’apprends aussi que Germaine lui rends des visites régulières, en particulier le week-end, puis repart « pour reprendre son travail » (j’ignore où, mais probablement à Paris, ou en région parisienne, plutôt que dans l’Ain car le voyage d’un week-end serait sans doute trop compliqué). Enfin, sur l’une des cartes, Roger dit s’apprêter à rejoindre Paris pour le « banquet des NMPP » (Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne, fondées en 1947 ; aujourd’hui nommées Presstalis, société chargée de distribuer la presse écrite. Roger y a-t-il travaillé ?). Germaine, de son côté, parle de vacances en Bretagne tandis que « Roger [y] reste encore ». Mystère.

Signatures de Germaine et Roger Davy :
- la famille Le Tourneau :
Paulette, autre sœur de Marcelle, a épousé Camille Le Tourneau. C’est la plus fantôme de mes fantômes car je n’ai même pas trouvé sa naissance. Mais outre ses cartes postales  (25 tout de même) et des photographies, son mari est le parrain de ma mère : difficile de nier son existence !
Une légende au dos d’une photo signale qu’elle est la sœur aînée de Marcelle. Or leurs parents se sont mariés en 1900, ont eu un fils en 1901 puis Marcelle en 1902 : j’avais donc écarté l’hypothèse que Paulette soit l’aînée : la légende tardive de la photo n’étant pas très fiable. Cependant, dans une de ses cartes Paulette appelle Marcelle « ma petite sœur » : est-ce un petit nom affectueux ou est-elle vraiment plus âgée ? Mais, contredisant cela, Paulette signe une autre carte « ta petite sœur » ! Le dépouillement (ou plutôt les dépouillements successifs) des registres d’état civil n’ont rien donné. Par ailleurs, elle n’apparaît jamais avec ses parents dans les listes de recensements.
Donc pour l’heure j’ignore donc toujours quand et où elle est née (sans doute en Seine et Marne car ses parents y ont toujours résidé mais ont déménagé dans plusieurs localités), ni quand et où elle s’est mariée. J’ignore d’où vient son époux. Je ne lui connais qu’un seul fils, Jean, sans savoir où ni quand il est né (ce qui ne signifie pas qu’il est fils unique puisque j’ignore à peu près tout de cette famille). Enfin, j’ignore résidences, lieux et décès à tous. De Camille, je n’ai même pas une photo. Par contre je connais le visage de Paulette (très jeune et très vieille) et de son fils Jean.

Marcelle et sa sœur Paulette, date inconnue © Coll. personnelle
(elles se ressemblent beaucoup, n'est-ce pas ?)

Dès 1963 certaines cartes sont signées Paulette Yvonnet. Beaucoup, ensuite, porteront cette double signature. Ce second patronyme m’intrigue. Il éveille quelques souvenirs dans la mémoire de ma mère, sans plus de précision : un remariage peut-être ? Mais l’une des cartes est clairement signée « Paulette et Yvonnet »,  une autre « grosse bise de nous deux, Paulette Yvonnet » et enfin une troisième « je prenais le train pour retrouver Yvonnet qui m’attendait tout heureux » : Yvonnet n’est donc pas un nom mais un prénom ; ce qui n’exclut pas l’hypothèse d’un second mariage.

Signatures de Paulette et Yvonnet :
En 1966 Paulette est en vacances à Cherbourg et annonce son prochain retour à Barneville (aujourd’hui Barneville-Carteret, situé à 37 km de distance). On retrouve cette localité citée sur plusieurs cartes : elle semble être un lieu de villégiature régulier. Ce n’est donc pas ici que je trouverais un indice sur son lieu d’habitation.
Quelques cartes sont adressées par Paulette depuis Plumelec, de chez Germaine et Roger.

Mise à jour, janvier 2019 :
J'ai enfin trouvé Paulette et Yvonnet, son second mari : je vous raconte toute l'aventure dans cet article "Comment trouver la tante Paulette ?"

La dernière sœur de Marcelle, Lucienne, n’a fait que signer une carte écrite par Paulette : aucune carte d’elle, ni de leurs trois frères, n’a été conservée.

Les cartes mentionnent ou sont signées par d’autres personnes qui semblent proches de la famille, comme Guy ou Alice, mais je ne peux replacer sur l’échiquier familial.
De même, dans l’album j’ai aussi des photos légendées Raymonde et Jeanne « cousines d’André » (mon grand-père) ; mais je ne sais pas à qui les rattacher…

Bref, même le rapprochement des cartes et des photographies n’a pas réussi à apporter toutes les réponses que je me posais. On peut même dire qu’il a soulevé un certain nombre de questions qui viennent épaissir le mystère. Les fantômes sont toujours là…


mercredi 21 février 2018

#Généathème : Le cabinet de curiosités

L’histoire pourrait commencer ainsi :

On célèbre la joie aujourd’hui. Une naissance inespérée. La mère s’est bien remise de ses couches. On a fait venir parents et amis pour admirer le nouveau-né, Nicolas. Les aînés du premier lit paternel sont là aussi. Et près de cheminée, il y a Pierre. Le vieillard de 72 ans reste assis là. Isolé. Il est heureux, mais reste incrédule. Il regarde Magdelaine, son épouse. Il n’arrive pas à croire à son bonheur. Elle est rayonnante, inondée du bonheur de sa récente maternité et de sa jeunesse ; elle qui n’a que 34 ans.
Déjà, lorsqu’ils se sont mariés, il y a 7 ans, il ne pensait pas à la joie qui lui procurerait cette nouvelle union…

Mais, comment en est-on arrivé là ?

Nicolas Rouault est mon ancêtre à la VIIIème génération (sosa n°154). Il est né en 1764 à Villevêque (Maine et Loire) du second mariage de son père Pierre. Celui-ci a épousé (en 1715) en premières noces Andrée Lemele, dont il a eu quatre enfants, puis Magdelaine Saulnier (en 1757) dont il a eu trois enfants. Nicolas est le dernier-né.

Jusque là rien de très anormal. Je poursuis donc mes recherches en remontant (facilement) d’une génération, le curé ayant aimablement renseigné l’identité des parents dans l’acte de mariage de Nicolas. Je m’intéresse à Pierre Rouault (sosa n°308). Celui-ci est aussi le dernier-né mais d’un premier lit cette fois. De la même manière l’identité de ses parents est indiquée (dans ses deux mariages). Pas de doute possible donc : son père, René, a épousé Perrine Dalibon, dont il a eu 5 enfants. Mais Pierre n’a quasiment pas connu sa mère car elle est décédée deux ans après sa naissance. Trois ans plus tard René s’est remarié avec Louise Repussard, - il fallait sans doute s’occuper des enfants, âgés de 5 à 13 ans - dont il a eu cinq autres enfants.


Extrait arbre famille Rouault

Mais ici les choses se compliquent : comme je viens de l’indiquer, la parenté de Pierre ne semble faire aucun doute car elle est très détaillée dans ses deux actes de mariages. Or Pierre est né en 1692. Marié la première fois en 1715, il a 22 ans. Mais lors de son second mariage en 1757 il a 64 ans ; ce qui n’est pas si mal. Or son épouse, Magdelaine Saulnier, elle, n’a que 27 ans, soit 37 ans d’écart ! S’ils ne détiennent pas le record dans mon arbre (eh non, j’ai mieux ailleurs…), ils obtiennent tout de même la médaille d’argent. Cependant, si vous vous rappelez le début de l’article, Pierre a eu trois enfants de son second mariage. C'est-à-dire qu’il a été père à 65, 67 et 72 ans !!! Bon là, pas de discussion possible : il gagne haut la main la médaille d’or du père le plus âgé de ma généalogie.

Donc, lorsque notre petit Nicolas est né, son père avait 72 ans ! Autant vous dire que mon logiciel de généalogie clignote de partout : « alerte ! alerte ! ». Pour un peu il se mettrait à sonner. En tout cas, c’est trop vieux pour lui, 72 ans, et il me le fait savoir. Bon, j’avoue que moi aussi je tique un peu. Alors je reprends tous les actes. Mais je ne décèle aucune anomalie. Je pense à frère homonyme éventuellement et je reprends la lecture des registres page après page pour être sûre de ne pas avoir loupé un frère. Cependant, comme la mère de Pierre, Perrine, est décédée 2 ans après sa naissance, cela ne laisse guère de place pour un frère plus jeune. Rien on plus avant. J’examine à nouveau tous les actes en ma possession sur les trois générations concernées, détaillant les témoins, m’intéressant particulièrement aux membres de la famille, mais là aussi tout semble concorder.

Rien à faire : il semble bien que Pierre ait été père, pour la dernière fois, à 72 ans ! [*] A l'âge où, donc, il aurait pu être arrière-grand-père. A-t-il profité des joies de la paternité (sa septième paternité) me direz-vous ? Un peu ma foi : il est décédé en 1776, âgé de 83 ans… Ce qui n’est pas si mal non plus, soit-dit en passant.
Nicolas, quand à lui aura davantage connu sa mère, qui décède alors qu’il est âgé de 28 ans et qu’il est lui-même marié depuis trois ans. Ses filles n’auront pas cette chance : l’année suivante, en 1794, il suit sa mère dans la tombe – il avait 30 ans seulement : les petites n’ont que un et deux ans. Comme quoi, la question d’âge n’est pas héréditaire…


[*] Si quelqu’un trouve une preuve contredisant cette thèse, qu’il n’hésite pas à se manifester…